La politique du langage
James Petras [1] On lit régulièrement chaque jour dans les journaux comme le Financial Times, le New York Times, le London Times et le Washington Post, des articles sur les « représailles » israéliennes. Le reportage mentionne souvent les représailles comme faisant suite aux attaques palestiniennes contre une colonie israélienne en Cisjordanie ou dans un centre de population urbaine en Israël. L’action et la réaction sont toujours situées dans un cadre de temps limité. L’action palestinienne est toujours le moment initial et l’attaque militaire israélienne est toujours décrite comme étant une réponse ou représailles et donc, on présume, une forme d’action défensive et « justifiable ».
Ainsi ce qui semble être un reportage objectif autour de deux types d’actions militaires est en fait une sélection arbitraire des trames dans le temps qui met en place un cadre de travail pour une interprétation très partiale. L’inclinaison pro-israélien, évidente dans le choix de la séquence temporelle et le cadre sont dérivés de l’argument idéologique général qui dépeint Israël comme une démocratie se défendant contre les terroristes arabes/musulmans et non pas un pouvoir colonial expansionniste engagé dans un nettoyage ethnique violent et une expulsion forcée à grande échelle et sur le long terme de la population.
Ce qui manque dans le reportage dans de tels récits est la séquence des événements précédant les attaques palestiniennes. Et là, nous avons toutes les chances de trouver une série d’incursions militaires israéliennes, des bombardements et des tueries de non-combattants, des exécutons sommaires de prisonniers politiques ainsi que des arrestations arbitraires, des démolitions de maisons et des saisies de terres illégales (même selon le standard colonial).
Un examen de rapports bien documentés et tout à fait disponibles du PCHR (Palestinian Center for Human Rights) jette une lumière tout à fait différente sur le contexte et le cadre afin de comprendre la séquence des événements et, encore plus important, la nature et le but de l’état israélien.
Pour la semaine du 8 au 14 décembre 2005, le PCHR a enregistré
· - 10 Palestiniens tués par les forces israéliennes (qui devraient bien sur être appelés les forces d’occupation israéliennes) dont 7 des victimes avaient été tuées extrajudiciairement par les Israéliens dans la Bande de Gaza.
· - 34 civils palestiniens, dont 17 adolescents, avaient été blessés par l’armée.
· - L’armée avait attaqué des cibles civiles dans la Bande de Gaza.
· - .L’armée a mené 40 incursions dans des communes palestiniennes de la Cisjordanie.
· - Des maisons ont été prises d’assaut et 91 civils palestiniens dont des professeurs d’université, des candidats au parlement et 4 jeunes ont été arrêtés.
· - La fermeture de l’Association pour la Jeunesse musulmane à Hébron pendant 2 ans.
· - Une maison palestinienne a été saisie, ses occupants éjectés et elle a été transformée en site militaire israélien.
· - L’armée a continué un siège total sur le territoire occupé palestinien et a imposé des restrictions sévères sur le déplacement des civils palestiniens en Cisjordanie.
· - L’armée a arrêté 12 civils palestiniens dont 6 adolescents, à différents check-points en Cisjordanie.
· - L’armée a utilisé des balles de métal recouvertes de caoutchouc pour disperser des manifestations pacifiques protestant contre le Mur d’Annexion et elle a blessé un enfant et 6 manifestants.
· - Les colons israéliens ont continué à attaquer les civils palestiniens et leurs biens dans les territoires occupés tandis que l’armée a confisqué des terres de plusieurs villages palestiniens près de Bethlehem, Hébron et Jérusalem, expulsant 30 familles palestiniennes.
Dans ce contexte, les actions militaires palestiniennes sont clairement d’ordre défensif afin de protéger la communauté, la famille et leur gagne pain.
Une étude des rapports précédents couvrant l’année 2005, indique que les données pour la semaine du 8 au 14 décembre 2005, étaient assez représentatives de l’activité israélienne. Si on devait multiplier les résultats hebdomadaires par les années : 52 semaines x 5 années d’attaques israéliennes, on saisirait l’amplitude de l’action offensive militaire israélienne. L’évidence accablante que ce soit en terme d’échelle, de portée et de temps des attaques militaires israéliens démontre clairement les activités offensives et persistantes liées à l’expansion territoriale, oppression coloniale et le nettoyage ethnique.
Les attaques aveugles sur les civils et les enfants, la destruction systématique et le blocage des routes essentiels au transport et aux déplacements, l’application enragée des politiques de culpabilité collective (l’arrestation de membres de la famille de guérilleros suspectés, le fait de faire sauter les maisons des familles de suspects) ont tout à faire avec la destruction des fondements de l’activité économique, du tissu social de la société civile et des réseaux familiaux.
L’évidence empirique donne une base pour conclure que les attaques militaires israéliennes contre les Palestiniens, par leur nature systématique et continue, ne se font pas en représailles ; elles sont clairement des détonateurs pour les ripostes militaires palestiniennes. Les Israéliens ne sont pas des victimes mais plutôt ceux qui font des victimes ce qui est évident étant donné la multiplicité des actions : la saisie des maisons, des terres, de prisonniers, des routes pour le transport etc. L’initiative et le dessein des actions israéliennes ont pour but d’intimider et d’appauvrir les Palestiniens et en fin de compte de les forcer à abandonner leur pays pour atteindre l’objectif d’un « état juif pure » basé sur l’idée rabbinique approuvée de « liens de sang » pas très différent des régimes cléricaux antérieurs.